Leçon d'écriture : la fin du monde

Publié le par Didier Fédou

Je pense sincèrement qu'en science-fiction, mais pas que, décrire une fin du monde du point de vue des "sauveurs du monde" (genre Indépendance day ou Armageddon), n'est bon que pour le cinéma. Bruce Willis est un excellent acteur et il y a quelque chose de jouissif à s'en prendre plein les mirettes avec les effets spéciaux. Mais c'est passer à coté de la partie la plus importante de l'histoire, ce qui va lui donner de la profondeur.

Une bonne histoire, à mon sens, doit faire ressentir quelque chose. De fait, je ressens moins de choses en regardant Mr Willis détourner une comète qu'avec par exemple un Mel Gibson dans Signes. Ou encore mieux, les protagonistes de Cloverfield.

Voilà où je veux en venir : un évènement aussi immense qu'une fin du monde n'a vraiment d'impact (c'est le cas de le dire) que si elle est décrite par les yeux de Mr Tout-le-monde. Ça devient subitement réaliste. Ça peut vous arriver.

Si ça arrivait vraiment ? Comment verriez-vous les choses depuis chez vous ? Certainement pas comme Bruce Willis, avec une vision globale, avec une vue panoramique de la météorite qui fonce en flammes sur la tour Eiffel. Vous verriez des choses "pas normales" vous arriver dessus avec surprise, vous ne comprendriez pas, vous seriez terrifié et perdu en l'absence de toute information extérieure (qu'est ce qui se passe ? Mon dieu, qu'est ce qui se passe ?) Les choses sont toujours plus effrayantes quand on ne sait pas ce qu'elles sont et d'où elles viennent.

C'est pour cela que des oeuvres telles que Cloverfield, Signes, ou La guerre des mondes sont très intéressantes dans le traitement de la narration. On n'assiste pas à un déluge d'effets spéciaux, même si c'est beau, il se passe quelque chose en nous. On peut s'y projeter. Ça devient réel. Dérangeant. Terrifiant. Dans le Seigneur des Anneaux, Sauron n'est jamais montré. Il n'a pas de visage. C'est une rumeur, dont les effets se font sentir jusque dans la lointaine et paisible Comté. C'est presque une légende dont on avait oublié l'existence, et quand il se met en route, wow... tout le monde tremble.

Ecrire est bien plus difficile que de faire du cinéma. Les mots sont des outils plus délicats à manier que les images pour décrire l'indescriptible : les sensations. Le lecteur doit s'identifier aux "héros" pour ressentir quelque chose. Des gens ordinaires, dans leur vie banale. Vous vibrerez plus avec un aide-comptable descendant du métro un lundi matin et qui voit un Lézard gigantesque bouffer un autobus plutôt qu'avec un astrophysicien observant sur son radar un météore tueur.

Ca n'est pas valable uniquement pour ce qui fait peur. Le même procédé peut-être utilisé pour évoquer d'autres sensations. Qu'est ce qui vous fera le plus vibrer : voir de près Superman se battre dans les nuages contre Zod ? Ou bien sortir de chez vous un matin, entendre des déflagrations dans le ciel, des gens qui se pressent, et lever les yeux pour voir, loin là-haut, le combat des surhommes ?

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