Leçon d'écriture : la visualisation

Publié le par Didier Fédou

Montrer plutôt qu'expliquer. Une règle que l'on présente très souvent aux auteurs débutants.

Et sans doute une règle fondamentale.

Amis écrivains, n'oubliez jamais que le lecteur est sourd, muet, aveugle, manchot, et que vous devrez même lui fournir l'air qu'il doit respirer. Les descriptions sont inévitables, quelle que soit votre histoire. Du détail. Plus il y a de détail, plus le lecteur visualisera vos lieux, vos personnages et les situations. Avec des descriptions et du détail, vous pouvez faire passer des émotions. C'est le détail qui fera vivre votre histoire.

Voici par exemple une histoire très célèbre dénuée de tout détail :

On découvre un objet qu'un méchant convoite, alors on le détruit.

Vous venez de lire le Seigneur des Anneaux. Pas de détails, aucun support pour visualiser. Remplacez le On par un hobbit, décrivez derrière qu'est ce que c'est qu'un hobbit, remplacez objet par anneau d'or magique, rajoutez "pour dominer le monde" après "convoite", et déjà l'histoire devient plus visuelle.

C'est exactement ça. Avant d'écrire, il faut visualiser la scène dans son esprit, la rendre réelle dans son imaginaire et pouvoir s'y projeter en fermant les yeux. Vous devez pouvoir vous y promenez, tourner autour des meubles, sentir l'odeur des gens, toucher les murs, entendre les feuilles des arbres dans le vent, et remarquer de petits détails, comme la tache sur la chemise de l'un, le cliquetis des pièces de monnaie dans la poche de l'autre, le papier qui vole sur le trottoir, etc...

Plus vous fournirez d'éléments visuels au lecteur, mieux il entrera dans votre univers. Il ne faut pas non plus tomber dans l'extrême et prendre 4 pages pour détailler exactement un lieu. Avec l'expérience, on apprend à garder l'essentiel et les fioritures autour. En visualisant, vous avez une vue à 360 degrés de la scène, mais vous vous focalisez sur les détails utiles à votre histoire.

C'est exactement comme en bande dessinée ou au cinéma. Il faut en montrer assez pour faire vivre l'histoire, concentrer le lecteur ou le spectateur sur ce qui est important, tout en laissant la certitude qu'autour, il y a un monde tout entier qui continue à vivre. En cela, l'écriture est très difficile, car ce qui prendra une case de BD ou un plan de cinéma peut très bien prendre une page entière de mots. C'est là que le style et le talent de l'écrivain entre en jeu pour ne pas lasser le lecteur, lui faire correctement visualiser la scène et l'emporter plus loin.

 

Un exercice d'écriture que je pratique assez souvent consiste à me représenter dans ma tête une situation d'ensemble, comme par exemple le vent qui se lève dans des collines ou un parking de supermarché, puis à entrer dans ce lieu et imaginer ce qu'il s'y passe. Les courants d'air qui feront frissonner les arbres, ce sera en automne donc des feuilles s'en décrocheront pour se pose plus loin, des nuages chargés de pluie passeront dans le ciel, alternant ombre et lumière sur les champs, puis on s'approche encore plus, encore plus, et on regarde partout à la fois. Rien de plus simple, quand on fait ça, on est dieu, on est omniscient : je vois alors les cloportes dans le lit d'humus, la mousse sur les troncs, l'écureuil dans les branches, l'oiseau migrateur qui file dans les courants ascendants, l'extrémité des rémiges sifflant dans l'air, je peux même voir si je le désire les particules de poussière qui flottent, les molécules composant ces particules et les atomes de l'infiniment petit, ou bien m'éloigner très vite et embrasser le pays d'un seul coup d'oeil, passer à une vue d'ensemble de la planète sur son orbite silencieuse autour du soleil, voir la galaxie dérouler ses bras, puis revenir dans ces collines pour apercevoir un randonneur avec un pull bleu et des chaussures poussiéreuses. Il aura des auréoles de transpiration sous les bras et des taches de gras sur le pantalon, parce qu'il s'était arrêté plus tôt pour manger un bout et qu'il s'est essuyé les mains sur les cuisses.

 

Vous voyez, votre imagination n'a AUCUNE autre limite que celle que vous vous fixerez. Plus vous aurez imaginé votre scène avant de l'écrire, plus le lecteur aura de facilité à suivre votre histoire. Amenez-le à l'essentiel, rendez cet essentiel réaliste par les détails, et laissez entrevoir le reste du monde autour, dans le champ de vision.

Écrivez vos histoires en images. C'est la base.

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